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De la pensée suicidaire à la tentative de suicide

Dernière mise à jour : il y a 1 jour

Il y a tout juste un an, une collègue clinicienne partageait un article du monde : « Les jeunes sont désormais plus touchés par les idées suicidaires que la population générale, un mal aux causes profondes » *. En parcourant ces lignes, j'apprends qu'entre 2014 et 2021, le nombre de jeunes majeurs de 18-24 ans déclarant avoir des idées suicidaires est passé de 3,3% à 7,2% parmi les 30 000 personnes interrogées ; «dans cette tranche d’âge, la santé mentale des jeunes femmes semble particulièrement affectée : la prévalence des pensées suicidaires atteint 9,4 % des femmes de 18-24 ans »**. 


La lecture de cet article m'a renvoyée à ma première expérience professionnelle en psychiatrie.


C'était il y a 20 ans. 



Comment traiter l'urgence de la détresse psychique, de la pensée suicidaire à la tentative de suicide?


Je découvrais avec quel acharnement inconscient, les instances intramoïques d'un adolescent peuvent tirer l'être vers sa mort. De la pensée suicidaire, à la tentative de suicide il n'y a qu'un Moi. Un Moi déterminé, gonflé à la haine. Un Moi sourd, qui n'entend plus les propositions d'aide, qui n'envisage plus de construire des solutions, un Moi persuadé que sa destruction aura le mot de la fin.



Pensée suicidaire qui enferme


Je découvrais également les réponses proposées par les services de soin à la détresse psychique de ces jeunes adolescents.


Dans ce service d'urgence psychiatrique pour adolescents, nous recevions en équipe médico-sociale, des jeunes de 10-17 ans, qui arrivaient de jour comme de nuit, du fait de leurs pensées, conduites ou passage à l'acte suicidaires.

Entre les entretiens avec les infirmiers, la psychologue, le psychiatre, les ateliers en individuel ou en groupe, avec les éducateurs et rééducateurs, les dispositifs déployés pour répondre à la détresse psychique des jeunes hopitalisés ne manquaient pas.


Pourtant, au sein même de l'hôpital, certains tentaient de nouveau de se donner la mort: sous la responsabilité du médecin psychiatre responsable du service, injection et chambre d'isolement étaient à l'époque le protocle d'urgence à appliquer suite aux passages à l'acte suicidaires. Pour d'autres jeunes, c'était une fois de retour à leur domicile qu'ils réitéraient leur tentative de suicide. Pour ceux-là, si leur âge leur permettait toujours, ils revenaient au service d'hospitalisation d'urgence, la plupart du temps sous une mesure de contrainte signée par leurs parents ou par le médecin chef.



Médicaments pour mourir ou se soigner


Un jour, je me souviens d'un infirmier qui m'avait soufflé à l'oreille en préparant la sortie du service d'une jeune fille de 16 ans : " tu vas voir, celle-là, dans moins d'un mois, elle sera revenue...on a l'habitude". À quelques jours près, la jeune fille en question, repassait dans le bureau du psychiatre pour un nouvel entretien d'entrée dans le service d'accueil d'urgence: suite à l'absorption volontaire de produits toxiques, elle venait de l'hôpital général où elle avait été sauvée par un lavage gastrique.


C'était il y a 20 ans.


J'interrogeais déjà l'effet des méthodes dites "thérapeutiques" comme les ateliers créatifs. Les méthodes de contention comme les injections sous contrainte de calmants à haute dose après une tentative de défenestration, ou l'isolement après une tentative de strangulation au sein même de l'hôpital, me posaient aussi questions.

J'interrogeais l'influence des entretiens, la temporalité des réponses, la nature et la durée des traitements chimiques et psychiques. 

J'interrogeais ma formation, mes références, mon éthique, et de fait, ma responsabilité en tant que professionnelle se présentant comme soignante pour des adolescents décidés à mourir: comment traiter l'urgence de la pensée suicidaire?


Rencontre des acteurs du dispositif VigilanS


Ces souvenirs me sont revenus suite à une rencontre partenariale. Il y a quelques semaines, au cours d'une réunion organisée par Mme Londres, coordinatrice de la CPTS Val d'Oise, nous, ma collègue Sabrina Merabet et moi-même, clinicienne et membre du RPH - Réseau pour la Psychanalyse à l'Hôpital, sommes venues découvrir les actions mises en place par le dispositif national VigilanS, pour la prévention des conduites suicidaires:


«  Le dispositif VigilanS, créé en 2015 dans les Hauts-de-France, a pour objectif général de contribuer à faire baisser le nombre de suicides et le nombre de récidives de tentative de suicide. Ce dispositif consiste en un système de recontact et d’alerte en organisant autour de la personne ayant fait une tentative de suicide un réseau de professionnels de santé qui garderont le contact avec elle. » ***

Au fil de la réunion, tour à tour, nous relevons cette réalité du risque suicidaire qui se présente à tout moment de la vie, quelque soit l'âge, quelque soit la période, quelque soit le lieu. En l'occurence, nous reprenons les chiffres du taux de suicide des femmes en période périnatales qui témoignent de la détresse psychique des futures mères et des mères ( « Morts maternelles » en France : la psychanalyse pour soigner ****- Sabrina Merabet ) .

Nous faisons aussi le lien avec la réalité de la clinique en psychothérapie où le sujet du suicide peut se présenter en cours de séance ou dès le premier appel téléphonique.


Ici, je pense notamment à monsieur B. orienté vers ma consultation par son médecin généraliste. Monsieur B. consulte son médecin pour des troubles du sommeil. Dès sa deuxième séance de psychothérapie, à partir d'une couleur qu'il perçoit, il associe librement ses pensées en évoquant les feuilles mortes au bord d'un lac, son envie de s'y jeter pour « ne plus se prendre la tête ni avec ses pensées, ni avec sa mère ». Monsieur B a 67 ans et s'est déjà avancé au bord du lac en pleine nuit. Je pense aussi à Madame X qui vient à ses séances 3 fois par semaine, depuis 2 ans. Mère d'un adolescent qui ne cesse de commettre des troubles à l'ordre publique, un jour en séance, se sentant « nulle et incompétente comme mère », « fatiguée d'être convoquée et jugée » elle pense à une méthode plus radicale « pour que tout s'arrête: (...) disparaître, ne plus exister (...) oui (elle dit vouloir) mourir ».


L'expérience de l'ensemble des professionnels présents ce jour atteste du même constat : cette déconcertante temporalité impose à tous les professionnels engagés dans le soin, les psychothérapeutes et les psychanalystes de travailler, non pas dans l'urgence, mais avec la réalité de l'urgence de la détresse psychique qui peut aller de la pensée suicidaire à la tentative de suicide.


L'indispensable formation pour écouter et traiter les pensées suicidaires


Le dispositif VigilanS exige auprès de ses intervenants « une formation en prévention du suicide ( afin ) de structurer le repérage des personnes à risque pour leur proposer le plus rapidement possible des solutions adaptées à leurs problèmes et, si nécessaire, un accompagnement vers le soin ».

Suite aux prises de contact, les enfants, les femmes, les hommes, les personnes âgées suivis par le dispositif sont orientés vers des médecins généralistes et spécialisés comme les psychiatres, vers des infirmiers mais aussi vers des psychologues et des psychothérapeutes formés et expérimentés.


En cela, les cliniciens, psychothérapeutes et psychanalystes membres du RPH, peuvent répondre présents. Les enseignements du président du RPH, Dr. Fernando de Amorim, forment à l'entretien clinique d'urgence, que ce soit au téléphone ou au cabinet.


Les cliniciens du RPH partenaires du dispositif VigilanS


Dans la construction du partenariat avec le dispositif VigilanS, il est primordial de souligner les particularités de la formation au RPH, et de la pratique clinique. Les techniques d'interventions ainsi que les dispositifs créés répondent à l'expérience clinique des psychothérapeutes et des psychanalystes , donc à la réalité du terrain. Ces techniques psychanalytiques se fondent sur les théorisations freudo-lacaniennes de la dynamique psychique.


Ainsi:


  • Chaque clinicien est engagé à poursuivre sa formation clinique, universitaire (Doctorat), et sa cure psychanalytique tant qu'il tient la responsabilité d'au moins une cure de psychothérapie ou en psychanalyse.

  • Depuis près de 30 ans, un service d'accueil téléphonique est à disposition de toutes personnes en état de détresse psychique : le SETU? Au 01.45.26.81.30. un clinicien répond 24h/24, 7j/7, prêt à recevoir rapidement en présentiel ou par téléphone, toute personne exprimant la souffrance d'une détresse psychique.

  • La Consultation Publique de Psychanalyse appelée C.P.P. permet à toute personne d'être reçue selon ses moyens, sans discrimination de diagnostic, sans limitation du nombre de séances.

  • Les techniques d'entretiens sont élaborées et proposées pour permettre au clinicien d'opérer à partir de l'offre de castration, une approche particulièrement essentielle pour dégonfler l'Imagianire qui nourrit le Moi suicidaire.

  • Comme d'autres patients et psychanalysants reçus par des cliniciens du RPH, monsieur B et madame X, lors de l'évocation de leurs pensées et actes suicidaires, ont disposé d'un ajustement de leur traitement psychique ( examen du discours suicidaire, technique de l'écarteur).

      

En cela, la conduite des cures suivant un plan de navigation clinique ainsi que les techniques d'interventions d'une précision chirurgicale, nécessitent de la part des psychothérapeutes et des psychanalystes, des ajustements cliniques quotidiens en supervisions individuelles, en supervision de groupe, dans des groupes de travail, de lecture et d'écriture théorico-clinique. Une implication qui relève d'une responsabilité assumée et justifie la formation conséquente et minutieuse telle que proposée par le RPH.


L'enjeu est avant tout de faire vivre une clinique de l'espérance.


Au bout du chemin: l'espoir

La clinique du partenariat


Au RPH, le Dr. Fernando de Amorim a spécifiquement nommé cônification du transfert l'opération par laquelle « le médecin, généraliste ou psychiatre, pris dans sa position de prescripteur, [ adresse ] , lorsqu’il retiendrait utile de le faire, le patient à un collègue psychiste (psychothérapeute, psychologue ou psychanalyste) de sa confiance (...)*****.


La clinique du partenariat, qui s'illustre aussi par la cônification du transfert, oeuvre en faveur du traitement du patient. Le partenariat crée un maillage indispensable pour des femmes, des hommes ou des enfants psychiquement désorientés et désespérés. À partir de la parole fiable de celui qui l'oriente, travailleur social, infirmier ou médecin, l'Être en souffrance peut mieux investir ses séances de psychothérapie et de psychanalyse.


Pour en parler...


Parce que l'expérience d'il y a 20 ans m'a beaucoup appris, dans ce cadre éthique d'étude, de formation à partir de la clinique et de travail partenarial, j'accueille, si nécessaire en urgence, la détresse psychique de celles et ceux qui, des idées suicidaires à la tentatives de suicide, pensent à leur mort.


Pour les professionnels de soins, engagés dans la clinique et qui ont le désir de travailler en partenariat avec des cliniciens et des cliniciennes du RPH, ces quelques lignes vous invitent à me contacter au 06.58.74.10.39.


Comme avec la Maison médicale des Signes à St Denis, avec la CPTS-Voc du Val d'Oise, et les référents du dispositif VigilanS du 95 et du 78, nous pouvons construire un partenariat.




Cette brève est également à destination des personnes, se sentant concernées ou non par le sujet du suicide, et qui ont le désir de traiter leur souffrance. Un rendez-vous peut vous être proposé rapidement.


***

*Les jeunes sont désormais plus touchés par les idées suicidaires que la population générale, un mal aux causes profondes, Par Mattea Battaglia et Camille Stromboni, Publié le 25 février 2024 à 05h00, modifié le 16 mai 2024 à 08h06, consulté le 21 décembre 2024, https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/25/idees-suicidaires-les-jeunes-desormais-plus-touches-que-la-population-generale-un-mal-aux-causes-profondes_6218442_3224.html

** Forte hausse des pensées et des tentatives de suicide des jeunes adultes français, selon une étude, publié le 05 février 2024 à 06h45, modifié le 16 mai 2024 à 08h06, consulté le 21 décembre 2024, " Le Monde", https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/05/forte-hausse-des-pensees-et-tentatives-de-suicide-des-jeunes-adultes-francais-selon-une-etude_6214813_3224.html

*** Le dispositif VigilanS - Ministère de la Santé, du travail, des Solidarités et de la Famille, mis à jour le 7/06/24, consulté le 5/01/24, https://sante.gouv.fr/prevention-en-sante/sante-mentale/la-prevention-du-suicide/article/le-dispositif-de-recontact-vigilans

**** Suite à la rencontre du 18 décembre 2024 avec l'équipe du dispositif VigilanS, je vous invite chers lecteurs à découvrir la brève de Mme Sabrina Merabet, clinicienne et membre du RPH: "Morts maternelles" en France : la psychanalyse pour soigner".

***** Accès au soin, qui gagne? Formation des psychiatres, des psychologues et psychanalystes sur Paris 04 - Amorim (de) F. , brève du 29/10/07,  https://www.rphweb.fr/acces-au-soin-qui-gagne-formation-des-psychiatres-des-psychologues-et-psychanalystes-sur-paris-04/, consulté le 5/01/25


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À propos

Je suis Aubène Traoré, psychologue clinicienne en exercice libéral dans le Val d'Oise depuis 4 ans. Mon objectif est d'accompagner mes patients dans leur démarche thérapeutique et de les aider à surmonter leurs difficultés. Je mets à leur disposition un espace chaleureux et confidentiel où ils peuvent exprimer leurs émotions en toute sécurité. Mon approche thérapeutique est basée sur l'écoute active, l'empathie et la bienveillance. Je suis passionnée par mon métier et je suis constamment à la recherche de nouvelles techniques et méthodes pour améliorer mes compétences. N'hésitez pas à me contacter pour plus d'informations ou pour prendre rendez-vous.

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